Décoction pour femme en travail : non à la rose de Jéricho!

4 juillet 2015

Décoction pour femme en travail : non à la rose de Jéricho!

CHAJARAT-MARIAM

Décoction pour femme en travail : non à la rose de Jéricho!

– Dr, la patiente a 6 contractions par 10 minutes et elle n’est qu’à 6 cm de dilatation, le monitoring ne cesse de sonner,
– Que se passe t-il, on a mis en place une perf de synto ?
– Non Dr, pas du tout, elle est venue dans cet état. Elle a juste pris une décoction que sa mère lui a donnée…
– Ah non, c’est surement cette fameuse fleur… mettez en place une perf contenant 4 ampoules d’antispasmodiques à flot, il faut absolument réduire la fréquence et la puissance des contractions.
10 mn après…
– Dr, la patiente est à dilatation complète mais les bruits du cœur du fœtus commencent à devenir irréguliers oscillant entre 120 et 90 battements par minute et le liquide amniotique est teinté : purée de pois.
– Ok, apportez moi la ventouse et prévenez le pédiatre….

Le bébé a été sorti par ventouse, il a fallut le réanimer énergiquement mais, Dieu merci, il tiré d’affaire. L’examen du placenta a montré un hématome rétroplacentaire minime.
– Mettez en place les mesures préventives de l’hémorragie du post-partum.
Effectivement, il ya eu une hémorragie vite maîtrisée…

Ce scénario n’est pas totalement fictif mais correspond à une réalité que nous vivons au quotidien en salle de naissance.

Souvent, trop souvent, l’entourage de la femme en travail veut aider en donnant diverses décoctions à cette dernière dans le but d’accélérer le travail.
Il en résulte régulièrement ce genre de scénario, parfois plus dramatique, avec, à la clé, une rupture utérine avec le décès de la mère et ou de l’enfant.

Il faut tirer la sonnette d’alarme sur ces fameuses décoctions qui, certes sont données dans le but innocent d’aider la patiente mais qui, au finish, crée beaucoup de complications.

EXPLICATIONS
La physiologie de la contraction utérine répond à des critères bien spécifiques dont une certaine intensité et surtout une fréquence qui, à l’acmé de la douleur, ne doit pas dépasser 3 à 4 contractions par 10 minutes.

En fait, comme le cœur, l’utérus est un muscle, il se contracte à des intervalles réguliers mais, il doit aussi se relâcher pour se reposer, « pour récupérer ». De ce fait, il se repose même plus qu’il ne travaille en réalité puisque la contraction dure 30 à 50 secondes et le relâchement 2 à 3 minutes.

Si l’utérus se contracte trop fort ou s’il ne se relâche pas suffisamment, à la longue, soit il se rompt comme un claquage chez un sportif faisant un effort trop intense sans avoir pris le soin de s’échauffer, soit il est contracturé comme lors d’une crampe musculaire.

Pour le fœtus, le travail est tout aussi éprouvant que la mère car, pendant la contraction, son approvisionnement en sang est interrompu et celui-ci ne reprend qu’à la fin de la contraction.

De manière imagée, c’est comme si on le torturait en lui enfonçant la tête sous l’eau, le privant ainsi de sa respiration pendant quelques secondes puis le laissait respirer avant de recommencer à la prochaine contraction.
Si les contractions sont donc trop rapprochées, le bébé n’a plus son temps de récupération indispensable.
N’ayant plus suffisamment d’oxygène, il relâche tous ses muscles, dont celui de l’anus et libère donc ses selles dans la cavité amniotique. Cette libération de selles colore en vert le liquide amniotique: on dit qu’il y a souffrance fœtale aiguë.

Cette souffrance s’accompagne d’une perturbation du rythme cardiaque du fœtus, rythme qui s’accélère d’abord, au-delà de 160 battements par minute, puis, si l’on n’intervient pas, puis diminue en dessous de 120 battements par minute, puis devient irrégulier avant de… s’arrêter !

Or, de manière empirique, tous les gynécologues et sages-femmes s’accordent à dire que la quasi-totalité des potions données aux femmes pendant le travail ont pour but et souvent pour effet d’ailleurs (c’est l’effet recherché) une augmentation de l’intensité et la fréquence des contractions utérines.
Il est aisé de constater alors toutes les souffrances fœtales voire les pertes de bébé induites par ces potions. Les mères aussi paient un lourd tribut à cette pratique traditionnelle car cette accélération des contractions entraîne des ruptures du muscle utérin et des hémorragies après l’accouchement.
La complication est encore plus inéluctable lorsque la patiente a un bassin rétréci ou un utérus cicatriciel ou que le fœtus est dans une position anormale (siège, transversale).

Pourquoi ces potions créent-elles cet effet ? On ne le sait pas très exactement !
Mais, il y a un début d’explication.

La potion la plus couramment utilisée dans notre pays est faite à partir d’une plante appelée à tort « la fleur de la Mecque » et donc le nom véritable est « la rose de Jéricho » ou « fleur de Jéricho » ou encore Anastatica hierochuntica.
Il existe une autre variété appelée « plante de la résurrection » ou « fleur de rocher » et dont le nom scientifique est Selaginella lepidophylla originaire du désert à la frontière entre les États-Unis et le Mexique.

La rose de Jéricho fait allusion à la ville biblique de Jéricho, ville qui renaissait sans cesse de ses cendres tout comme cette plante. Malgré son aspect asséché et rabougri, lorsqu’on la plonge dans de l’eau, la rose de Jéricho s’ouvre et revit de manière spectaculaire.
Jéricho actuellement est une ville de Cisjordanie dans les territoires autonomes palestiniens.

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Dans les pays où cette plante est utilisée, les femmes boivent l’eau dans laquelle est trempée la rose de Jéricho pour faciliter l’accouchement.
A noter qu’elle est aussi utilisée dans les rites du vaudou et de la santeria en Amérique latine pour invoquer l’amour et la fortune.
Il n’y a pas eu suffisamment d’études pour comprendre l’action de cette plante, mais on pense qu’elle contiendrait une substance identique ou proche du syntocinon.
Ce syntocinon est une hormone sécrétée par le corps de la femme. Elle est synthétisée et utilisée en médecine pour augmenter des contractions utérines trop faibles.
Le problème est que nous l’utilisons à raison d’une ou deux ampoules maximum pendant le travail or, si c’est une décoction, il est évident que dosage n’est pas du tout maîtrisé d’où cette accélération excessive des contractions et son cortège de complications.

Toutes les potions traditionnelles ne sont pas issues de la rose de Jéricho certes, mais, si elles ont pour effet d’accélérer le travail, leurs conséquences sont tout aussi désastreuses.

Qu’en est-il des eaux bénites faites à base d’extraits de versets du Coran, ou d’un autre livre saint puis délavés dans de l’eau ? Elles ne sont pas censées contenir de substances pharmaco-actives comme pour les plantes ?
Eh bien je répondrai ceci : le pouvoir de la prière est indéniable, pour les croyants en tout cas ! Donc, toutes les prières sont les bienvenues pour traverser l’épreuve de l’accouchement. Je suis donc d’accord pour toute eau bénite à enduire sur le corps, à prendre en bain rituel et même à porter comme gris-gris si le cœur ou la foi vous en dit.

Cependant, je déconseille fortement de boire toute potion, ne pouvant faire la différence entre une eau bénite ou une décoction de rose de Jéricho ou de je ne sais quelle plante qui pourrait compliquer l’accouchement.
Ce que vous ignorez peut-être mesdames, c’est que nous autres, personnel de santé, aussi, avant de rentrer en salle d’accouchement ou au bloc opératoire, nous prions pour vous, votre salut et pour le salut de votre bébé, car de votre salut, dépend le notre !

Alors, comme j’ai l’habitude de le conseiller à mes patientes à la dernière consultation prénatale : « Madame, takal, saangoul, diwoul loula nekh ! wayé, boul naaan dara !!!

Traduction: « Mme, portez (des gris-gris) prenez des bains (rituels), enduisez-vous (de toutes les potions magiques que vous voudrez) mais, ne buvez absolument rien !!!!

A bon entendeur ….

Toubibadakar

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Commentaires

Aboudramane koné
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merci doc je me retrouve là. Parfaitement d'accord et c'est tout le problème de la pharmacopée traditionnelle. C'est qu'on ne sait vraiment pas la posologie a utilisé mais surtout qu'au delà du principe actif n'est pas épuré. Ne buvait absolument rien, certes oui mais faudrait surtout pas que le médicament puisse passer par voie systémique et ça même un lavement peut en être facilement la cause. Merci chef

Nke noah claire
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Aider moi svp je veux avoir un bébé c'est vraie que j'ai pas la présence de la glaire servicale

toubibadakar
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il faut aller voir votre gynecologue pour savoir quelle est la cause

Hélène
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Merci pour cet éclaircissement docteur. Moi j'ai bu l'eau de la fleur de Jéricho la dernière semaine d'accouchement 2 fois dans un grand verre de 555. Le dernier était 2 ou 3 jours avant le jour où j'ai accouché. Le jour J le rythme cardiaque de mon bb dimi nuait considérablement donc on m'a mi sous oxygène immédiate ment. Mon travail a duré 8 h de temps le rythme cardiaque de bb se régularisait un peu. Au moment de pousser je poussais mais la tête de bb ne sortait pas pourtant les sages femmes me disait quelles voyaient ses cheveux. Il me restait juste un ultime effort mais hélas. Pendant plus dune heure de temps je poussais mais rien. C'est le gynécologue obstétricien qui a vu que la tête de bb était coincé pour sortir donc il ma fait un forceps. Le bb a été ensuite ranimé pendant 4 mn. Jai accouché a 40 semaines 3 jours. Ma question est est ce que le fait que j'ai utilisé la fleur de Jéricho pourrait en être la cause docteur de ce qui m'est arrive ? Merci d'avance

Fati
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Bonjour Docteur. J'ai entendu dire que le dernier mois de grossesse il est conseillé de consommer des dattes. Elles auraient un effet bénéfique sur le travail. Qu'en pensez-vous?