21 août 2015

Une semaine à Wassadou

Wassadou

Lundi

7h, il faut se lever, le travail commence à 8h. Le temps de prendre un bain et d’avaler un ptit déj et hop, au service. C’est un jour assez particulier ici, (et partout dans le monde je suppose), on a toujours beaucoup de patients, 40 à 65 en moyenne. Il s’agit en général de malades qui ont traîné leur mal durant le week-end et qui nous arrivent à bout de force, parfois avec l’ultime espoir d’être enfin soulagé. On a surtout des cas de palu, de gastro-entérite, beaucoup de rendez vous de contrôle (ils préfèrent venir le lundi). Les hospitalisations du jour sont assez nombreuses, qui pour recevoir un traitement antipalustre par voie intraveineuse, qui pour surveiller une tension artérielle plutôt inquiétante ou une diarrhée rebelle.

En général, les patients sont libérés vers 17h, 2 ou 3 sont souvent retenus quelques jours.
A la maternité, Anne Marie la sage-femme assure ses consultations prénatales (CPN) qu’elle envoie après examen au Dr Zida le médecin-chef pour une échographie en attendant qu’elle soit initiée à cet exercice. Les femmes (consciencieuses) qui ont accouché à domicile durant le week-end à cause du manque criard de moyens de déplacement viennent donc se faire examiner avec leur bébé et en profiter pour se faire délivrer un certificat d’accouchement pour pouvoir déclarer leur enfant à l’état civil.

Vers 13h arrivent les premiers bobos : un coup de hache involontaire sur le pied lors des travaux champêtres ou un morceau de bois déchirant une cuisse en rasant d’un peu trop près une palissade. Leur prise en charge dans la salle de soins est immédiate: désinfection, sutures, pansement. Quand le cas est assez sérieux, les premiers soins sont assurés et le patient est évacué à l’Hôpital Régional de Tamba où le Dr Millogo est d’abord prévenu.

Le boulot fini en général vers 16-17h et impossible d’aller manger avant (vous voyez l’importance du ptit dej du lundi☺). Les soirées sont relativement calmes, 2 ou 3 urgences maximum vers 18h ou 21h. On a alors le temps de se faire une petite séance cinéma en plein air avant ’extinction des feux à minuit.

Mardi matin, 7h30, rebelote

On commence par la visite au bloc hospitalisation : recueil des plaintes, prise des constantes (en général, les aides-infirmiers les ont déjà prises), C.A.T de la journée.
A 8h, la consultation débute. Plutôt relax le mardi, après le rush de la veille, 20-25 malades, c’est un bon score.
C’est un jour ou l’on reçoit surtout les personnes du 3ème âge. La consultation à la Maison Médicale est assez singulière sur un plan : on reçoit en général les patients par tranche d’âge ou par village car, il y a des jours ou l’on ne reçoit pratiquement que des personnes âgées (comme les mardis) ou que des enfants (comme les mercredis) ou que des gens du même village.

On ne comprend pas vraiment pourquoi. Qu’une bonne partie d’un même village se déplace ensemble, ça peut s’expliquer par les longues distances et la nécessité d’aller en groupe dans le même autocar, mais, que des personnes de la même tranche d’âge venant d’horizons divers se retrouve en même temps à la consultation ……!?!Une enquête de comportement s’impose.

Nous, en attendant, nous avons nos jours Pédiatrie ou nos jours Gériatrie et même notre jour accouchement !! J’y reviendrai, patience.

Donc, vers 13h, la consult est achevée et, après un bon repas avec une ambiance à table toujours folle, une petite sieste est possible, parfois entrecoupées par 1 ou 2 patients retardataires (une luxation de la mandibule la dernière fois et une graine dans la narine d’un enfant).

A 17h, il y a un cours de remise à niveau pour le personnel paramédical: rappel des base de l’asepsie et de l’antisepsie, les voies d’injections (SC, IM, IV, IDR), comment bien remplir la pancarte etc. Ces cours se déroulent dans la bonne humeur avec des schémas, des séquences vidéo et même… des cobayes pour la pratique : 0,1 ml d’EPI (eau pour préparation injectable) dans l’avant bras de Frédéric le chauffeur pour le cours sur l’injection intradermique (mieux vaut voir une fois que…….).

Mercredi, jour de marché hebdomadaire au village de Wassadou

La consult se déroule en 2 temps : 5 à 6 patients viennent très tôt et sont rapidement consultés avant 9h, entre 9 et 10h en général il y en a 1 ou 2 mais vers 11h, le gros du lot arrive, une vingtaine.
En fait, les patients vont d’abord au marché faire leurs courses avant de venir à la consultation. Souvent, ce gros lot ne vient pas, trop occupé par les travaux domestiques.

En général c’est la maternité qui a du travail : CPN, Planning familiale. Les hospitalisations du jour sont fréquentes et c’est la maternité qui hospitalise le plus pour des durées supérieures à 3 jours.

Durant l’après midi, si le cours de la veille n’avait été terminé ou fait à cause de la charge de travail, c’est l’occasion de se rattraper.
C’est aussi un jour ou l’on travail souvent la nuit, urgences et évacuations à l’hôpital pour diverses raisons : accouchement dystocique (difficile) chez une primipare, neuropalu, méningo-encéphalite, tétanos (il y en a encore).

La palme revient au jour ou, à 17h, alors qu’il pleuvait des cordes :
– une femme est arrivée sur le porte-bagages du vélo de son mari, en plein travail ! Malheureusement, il s’agissait de l’expulsion, par le membre supérieur, d’un mort-né macéré !
– direction :l’hôpital régional à 70 km,
– retour : 22h, un autre problème : une jeune femme que Badou le maître-d’œuvre est allé chercher à 5 km d’ici (les villageois avaient envoyé un messager à vélo, Frédéric n’était pas encore revenu de l’évacuation), elle venait de Laboya, 13 km, sous la pluie sur une charrette. Son travail durait depuis plus de 15h. Antécédents : 6 Gestes, 6 Pares, les 5 mort-nés !

– C.A.T : Frédéric et Anne Marie retournent à l’hôpital pour une césarienne.
– 1h30 du mat, un enfant de 6 ans, coma fébrile stade II, raideur de la nuque…
– 3ème évacuation, retour à 4h.
– 7h : Debout, on est (Déjà ???) Jeudi, la consult commence dans 1h……..

Jeudi

…Et des jours comme mercredi, on en a eu !!!
8h, La consult reprend, 35 patients en moyenne depuis quelques mois. Au début, c’était le jour le plus calme de la semaine mais maintenant, il rivalise avec le lundi.

Il est prévu,durant les jours où il n’y a pas beaucoup de patients, d’aller visiter certains villages, discuter avec les chefs, les femmes, les sensibiliser sur certains sujets tels que
les dangers de l’accouchement à domicile ou la récupération nutritionnelle.

Cette sensibilisation est très importante et permet de mieux faire connaître la Maison Médicale dans les villages aux alentours.
La journée s’achève calmement et souvent il y a quelques urgences durant la nuit. Une autre particularité du travail ici c’est que les jours où il n’y a pas beaucoup de travail durant la journée, il y’en a toujours la nuit tombée ! Donc, en permanence, l’équipe veille.

Vendredi

C’est le jour des circoncisions… et celui de tous les dangers !
Les futurs circoncis arrivent à 7h, sont pris en charge à l’accueil, rassurés et emmenés dans la salle de soins où a lieu le rituel, sous anesthésie locale. Ils seront ensuite revus en consultation durant l’après-midi.
Les consultations suivent ensuite leur cours normal mais finissent relativement tôt à cause de la grande prière musulmane du vendredi de 14h.

Á 17h, c’est la réunion hebdomadaire regroupant le service de consultation générale, la maternité et l’accueil.
Cette réunion permet de faire le point sur l’activité de la semaine, la vie du service, de faire le bilan de la semaine écoulée et de définir les objectifs de la semaine à venir. Chacun donne son avis sur les différents points de l’ordre du jour et on en débat. En cas de divergences, un vote nous départage.
C’est aussi la réunion préparatoire de, à mon avis, l’activité la plus intéressante et la plus extraordinaire de la Maison Médicale : Les sorties de consultation dans les villages, NOS SORTIES !!!

Un procès verbal est établi durant la réunion et est lu et adopté avant la réunion suivante.

Jour de danger aussi car tous les accidents de la circulation qui ont eu lieu sur la nationale 7 et dont les victimes (une soixantaine) ont été pris en charge par la Maison Médicale ont eu lieu un vendredi (noir).Toutes les victimes ont été pris en charge dans les 10 mn qui ont suivi l’accident. La dernière fois, ils étaient tellement nombreux que même Simon (le gérant de la boutique) a fait des pansements.

A 19h, Rv à la pharmacie pour la vérification du matériel médical et des médicaments pendant que Frédéric charge le matériel dans le véhicule tout terrain, un dernier briefing avec l’équipe mobile avant l’extinction des feux et … repos avant le jour J…

Samedi 6h30 jour de sortie dans la brousse

C’est un plaisir ! On quitte à 7h pour revenir vers 20 ou 23h, fatigué, lessivé mais…. heureux !!
Nous allons dans les villages très difficile d’accès dans la zone Nord du Parc du Niokolo Koba (le record : Mayel Issa, 115 km, 5h de route, un marigot à traverser). Les souches, les ravins, les rivières et surtout, la boue sont garantis.

Une fois, nous étions allés au village de Binguel et juste au moment où nous avons atteint la rivière, il a commencé à pleuvoir!! C’était une vraie patinoire !

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Il a fallu 30 mn pour gagner l’autre rive, sous la pluie et dans la boue la plus épaisse et la plus indécrottable ! Heureusement, les conseils avisés du Père Xavier, le missionaire installé dans le village des Bediks, une ethnie du sud- Est du pays, nous ont sortis d’affaire. Et lors du retour….on a replongé dans la boue….avec joie !

D’ailleurs, depuis l’arrivés du tire-fort, des câbles, des impers, haches et de la pelle, la traversée des obstacles est plus aisée et nos limites sont repoussées.

Quelques soient les difficultés rencontrés, un seul mot d’ordre : il faut y aller, on y va !
La satisfaction morale que l’on tire de ces sorties est la principale motivation du groupe.

Pas une fois, nous ne sommes allés dans un village sans y trouver une situation sanitaire alarmante.

Ces villages sont parfois coupés du reste du pays pendant les mois de pluies ou simplement d’accès vraiment très difficile alors, les gastroentérites et le palu y font des ravages et notre arrivée y est toujours perçue comme providentielle.

Nous participons aussi au respect du PEV (Programme Elargi de vaccination) que nous assurons avec la collaboration d’infirmiers chef de poste de la zone.
De plus, sur la route, souvent on rencontre les femmes Peulh qui viennent de traire les vaches et du lait frais et du lait caillé nous sont toujours gracieusement offerts (on en raffole).

Une fois, un des chefs de village nous a offert un mouton au retour.

De retour à la Maison Médicale, Tata Cons la directrice a toujours la délicatesse de nous faire concocter un délicieux repas de fête. Eh oui, nous rentrons fatigués, fourbus, lessivés, sales mais on trouve toujours l’énergie de faire la bamboula (et de gérer 1 ou 2 urgences parfois, voire une évacuation). Fous nous sommes ?

NON ! Heureux simplement ! D’autant plus que demain c’est….

Dimanche, le jour du Seigneur, et de repos ou plutôt….

….des accouchements. Il y en souvent les dimanches, très tôt.

En général donc les dimanches sont calmes (sauf pour la sage-femme) La communauté chrétienne de l’hôpital va à la messe au village voisin, on s’adonne à la pétanque ou à la lecture, parfois au rugby pour se défouler un peu (encore !!), on en profite pour lire les mails, bricoler ou terminer des travaux ou des études. Il y aura toujours quelques urgences dont il faudra s’occuper.

Ainsi s’achève une semaine classique et il faudra essayer de ne pas aller au lit trop tard pour être frais et dispo le lendemain car, demain c’est….

Lundi….

🙂

Toubib à (Wassadou)

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