Philosophie de l’accouchement

Article : Philosophie de l’accouchement
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22 février 2016

Philosophie de l’accouchement

philosophie: Âmes sensibles s’abstenir!

En tant que gynécologue, nous avons le devoir et surtout le privilège d’assister à un des temps forts de la vie de l’être humain : l’accouchement.

Il s’agit toujours d’un moment particulier, tant sur le plan physiologique que sur le plan émotionnel.

De prime abord, il nous renvoie à ce qu’il y’a de plus grégaire, de plus animal dans notre nature.
Voir un être humain, fût-il un bébé, sortir d’un autre humain par les voies naturelles a quelque chose de très impressionnant, de très bestial.

Même s’il s’agit d’une césarienne, cela reste tout aussi impressionnant, même pour le plus aguerri des praticiens.
Au-delà de son aspect physiologique, l’accouchement présente un côté philosophico-religieux perceptible en filigrane, pour peu que l’on soit un peu réceptif.

De la petite expérience des accouchements durant lesquels j’ai eu le privilège d’intervenir, voici la philosophie que j’en conclus.
La quasi-totalité des grands concepts de la vie sont faits de deux extrêmes intimement lieś : le jour et la nuit, le bien et le mal, l’homme et la femme, le paradis et l’enfer, le grand et le petit, le beau et le moche, etc.

Aucun de ces concepts ne saurait avoir de sens si l’autre n’existait pas. Ne dit-on pas que si l’idiotie n’existait pas, l’intelligence n’aurait pas de sens ? ou que toute âme qui a goûté à la vie goûtera à la mort ?

Justement, parmi ces concepts, les deux plus importants et les plus liés sont : la vie et la mort.

De ce fait, l’accouchement constitue l’illustration parfaite de cette dichotomie vie/mort.
Lorsqu’on assiste au décès d’une personne, on sent cette mort. Elle est forte, puissante, implacable.

La naissance est empreinte de la même charge émotionnelle et symbolique, sauf qu’il il s’agit ici d’émotions positives, si cela se passe bien évidement.

En ce sens, la naissance est très proche de la mort. C’est pratiquement comme si la patiente allait jusque dans les entrailles de la vie pour y récupérer une autre vie. L’accouchée flirte littéralement avec… la mort.

D’ailleurs, dans le langage populaire wolof, après un accouchement, on dit que la femme « mouthieu neu« , ce qui veut littéralement dire qu’elle a échappé à la mort. C’est dire à quel point l’accouchement ne tient qu’à un fil.
De manière non-médicale, et sans verser dans un quelconque fanatisme, quelque soit l’obédience religieuse, il est toujours recommandé à l’accoucheur d’être dans un minimum d’état de pureté pour assister activement et efficacement à un accouchement.

Cette même pureté est totalement admise lors de l’administration des derniers sacrements à un mourant.
Par exemple, lorsque qu’on fait un accouchement sans prendre la peine de faire ses ablutions, on se retrouve quasiment à chaque fois devant des complications souvent inattendues, et parfois même malheureuses.

Autre constat fait : tout accouchement est unique. Des milliers d’accouchements que j’ai eus à faire, il n’y en pas deux d’identiques, que ce soit lors du début du travail, dans son déroulement, pendant l’expulsion ou au moment de la délivrance.

L’accouchement constitue donc une sorte de miroir sans tain, sur lequel l’observateur expérimenté voit, devine, perçoit le reflet de cette proximité avec l’essence même de la vie et de la mort.

L’accouchement, c’est la vie mais c’est surtout aller aux confins de la vie, à la frontière avec la mort pour y voir ce qui s’y passe et, si Dieu le veut bien, revenir en rapportant dans ses bagages… la vie.

Toubibadakar

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Commentaires

Anne Christelle
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En tant que future maman, cela a été un vrai plaisir à lire. Merci.

toubibadakar
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merci a vous

chantal
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Billet très touchant avec un message humain.
Merci Dr de nous faire vivre le déroulé du commencement de la vie.
Qu'est-ce que c'est mystérieux de revoir la personne revenir sur ses deux pieds "aller aux confins de la vie, à la frontière avec la mort pour y voir ce qui s’y passe et, si Dieu le veut bien, revenir en rapportant dans ses bagages… la vie."

toubibadakar
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Oui on ne s'y habitue jamais!